La Grèce devant l’alternative socialisme ou barbarie

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Gouvernement ouvrier et paysan !
Annulation de la dette de la bourgeoisie !
États-Unis socialistes d’Europe !

Le 12 février, la police anti-émeute a attaqué à Athènes les centaines de milliers de manifestants qui tentaient d’empêcher le Parlement bourgeois d’adopter un nouveau plan d’austérité. Il s’en est suivi une nuit d’émeute. Le sort du prolétariat grec préfigure ce qui attend les autres travailleurs d’Europe. Si la classe ouvrière de Grèce prend le pouvoir pour mettre fin à son interminable martyre, en prenant la tête de tous les exploités et opprimés du pays, elle peut débuter la révolution socialiste mondiale et ouvrir la voie de la reconstruction rationnelle et planifiée de l’économie des Balkans, de l’Europe et du bassin méditerranéen.

Une spirale interminable de régression et de réaction

La crise capitaliste mondiale a frappé de manière inégale les économies nationales. Les pays ont d’autant plus souffert, comme la Grèce, que leur accumulation du capital était réduite (peu d’extraction réelle de la plus-value sociale) et qu’ils recouraient aux artifices keynésiens (la stimulation de l’économie par la dette). La « grande récession » a aussi révélé l’inconsistance des prétentions des bourgeoisies à unifier pacifiquement et démocratiquement l’Europe morcelée en 53 États.

La Grèce, dont la bourgeoisie avait cru pouvoir s’affirmer à l’échelle régionale en s’appuyant sur l’Union Européenne, s’est révélée son maillon le plus faible. Elle menace même d’entraîner l’euro et toute l’Union européenne (UE) dans sa débâcle. Depuis deux ans, l’État grec est réduit à supplier le Fonds monétaire international (FMI) et l’UE (dont les États membres sont eux-mêmes en déficit) de l’aider à payer ses créanciers. Parmi ces vampires, figurent en bonne place les groupes capitalistes de la banque et de l’assurance de la France et de l’Allemagne. L’État grec est placé sous la surveillance humiliante de « la Troïka » : FMI, Commission Européenne et Banque centrale européenne (en fait les impérialismes allemand, français et américain).

Les plans d’austérité et de privatisation se succèdent : en mai 2010, en décembre 2010, en juin 2011, en octobre 2011, en décembre 2011, en février 2012. Les premiers sont l’œuvre du gouvernement Papandréou du Mouvement socialiste panhellénique (PASOK). En novembre 2011, l’UE impose un gouvernement Papadémos de coalition entre le PASOK, la Nouvelle démocratie (ND), l’Alarme populaire orthodoxe (LAOS). Papadémos était le gouverneur de la Banque de Grèce, au moment où les comptes ont été falsifiés avec l’aide de la banque américaine Goldman Sachs dont le directeur pour l’Europe était alors Draghi, l’actuel président de la BCE. Le LAOS, parti fascisant quitte le gouvernement le 10 février à cause de la légère baisse du budget de l’armée.

L’économie s’enfonce dans la dépression : le PIB a baissé de 1,9 % en 2009, de 4,5 % en 2010, de près de 6 % en 2011. Il devrait encore baisser de 3 % en 2012. D’après les scénarios les plus optimistes, le PIB grec aura diminué de 16 % en quatre ans, soit un sixième de la richesse du pays.

La faillite de la classe capitaliste est payée par la paupérisation de la classe ouvrière.

Des sacrifices dont les capitalistes, l’état-major et le clergé sont exemptés

Le chômage touche plus d’un million de travailleurs, soit officiellement 20,9 % de la population active, un chiffre jamais vu. Les prix ont augmenté de 2,9  % en 2011, alors que les salaires, les allocations chômage et les pensions de retraites ont baissé. En effet, le salaire minimum vient de diminuer de 22 % (et même de 32 % pour les moins de 25 ans), les traitements des fonctionnaires ont baissé de plus de 30 % en deux ans, la plupart des pensions ont baissé de 20 % en deux ans (en outre, la durée de cotisations a été portée à 40 ans et l’âge de la retraite à 65 ans), les salaires sont gelés jusqu’en 2015.

Les budgets d’austérité ont supprimé 82 000 emplois publics en 2010, 50 000 en 2011. Le dernier plan prévoit 15 000 postes de moins en 2012. Les coupes budgétaires ne concernent guère le cœur de l’État bourgeois, à savoir l’armée et la police, dont les dépenses augmentent. Selon le dernier plan, l’État va amputer le budget de la santé d’1 milliard d’euros tandis que le budget de la « défense » atteint officiellement 4 milliards . La Grèce a plus de chars que la France et 2,8 % de la population active sont des militaires, la proportion la plus élevée de l’OTAN.

Les privatisations concernent les banques, la poste, les infrastructures, l’énergie, l’eau et le jeu. Vu la conjoncture économique, la vente des entreprises publiques se fait à vil prix. L’impérialisme chinois, qui est devenu le 3e fournisseur de la Grèce devant son rival français, en profite pour faire ses emplettes : le groupe COSCO s’est emparé du port du Pirée. L’État chinois encourage vivement le peuple grec à accepter les sacrifices que réclament le FMI et l’UE.

La TVA a augmenté de 20 %, en revanche les cotisations sociales patronales diminueront. Le taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques a monté, mais la fraude des 10 % des ménages les plus riches fait perdre 25 % des rentrées fiscales attendues. La Grèce détient la première flotte du monde (dont l’activité assure 6,7 % du PIB, plus que le tourisme), mais les groupes capitalistes de la marine marchande échappent à l’impôt sur les sociétés (art. 107 de la Constitution) et les armateurs fraudent massivement sur les cotisations patronales. Le deuxième propriétaire foncier après l’État, l’Église orthodoxe, est exemptée de la taxe foncière et n’acquitte que peu d’impôts sur ses revenus alors qu’elle détient des plages, des restaurants, des hôtels, des parkings. En outre, le clergé est payé par l’État.

La crise grecque est si intense qu’elle pose le problème du choix entre fascisme et révolution. Mais les directions du mouvement ouvrier bouchent jusqu’à présent cette dernière issue.

Les bureaucraties syndicales dissipent la colère des masses par des journées d’action

Le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) n’est pas issu de la classe ouvrière, mais a été fondé par une vieille dynastie politique bourgeoise, les Papandréou, en 1974, avec comme slogan « La Grèce aux Grecs ! ». Le PASOK est une expression « progressiste » du nationalisme bourgeois dans un pays dominé (comme celui de Moubarak et le RCD de Ben Ali, membres également de l’Internationale « socialiste »). Ce parti bourgeois nationaliste contrôle les principales organisations syndicales, la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) et l’Administration suprême des syndicats de fonctionnaires grecs (ADEDY). Les bureaucraties confédérales se gardent d’appeler à la grève générale jusqu’au retrait des mesures d’austérité et refusent de chasser le gouvernement où siège, seul ou avec les fascistes, le PASOK. Pour dévier le mécontentement, elles appellent à des « journées d’action » de 24 heures (ou de 48 heures) dont le but affiché est de faire pression sur le gouvernement : 10 février 2010, 24 février 2010, 5 mars 2010, 11 mars 2010, 22 avril 2010, 5 mai 2010, 12 mai 2010, 20 mai 2010, 8 juillet 2010, 11 mai 2011, 15 juin 2011, 19 et 20 octobre 2011, 17 janvier 2012, 12 février 2012…

Deux partis ouvriers bourgeois soutiennent cette mascarade des journées d’action : la Coalition de la gauche, des mouvements sociaux et de l’écologie (Synaspismos) et le Parti communiste de Grèce (KKE), flanqués de plusieurs organisations centristes semi-réformistes issues de la décomposition de feue la 4e Internationale.

Les deux partis sociaux-patriotes protègent le gouvernement bourgeois

Synaspismos et le KKE ont la même origine, le Parti « communiste » grec (PCG) qui a sauvé la bourgeoisie grecque en 1944, sur ordre de Staline. Celui-ci craignait par-dessus tout que la 2e guerre inter-impérialiste débouchât sur la révolution socialiste en Europe et dans le monde, qui aurait abouti au renversement de la bureaucratie privilégiée au pouvoir en URSS. En novembre 1973, quand les étudiants affrontèrent la dictature militaire, le PCG leur fut aussi hostile que le PCF envers les étudiants qui défièrent De Gaulle en mai 1968. Le PCG a participé au gouvernement bourgeois dirigé par la ND en 1989. Il a toujours partagé le nationalisme de sa bourgeoisie, en particulier contre la Turquie et la Macédoine.

Aujourd’hui, ses deux héritiers défendent la souveraineté grecque, renvoient le socialisme à un avenir lointain, et aucun n’écarte la possibilité de gouverner avec des partis bourgeois.

Le temps est venu pour un front populaire et social. (KKE, Propositions pour sortir de la crise, 14 mai 2010)

Synaspismos a constitué la Coalition de la Gauche Radicale (Syriza) avec des organisations de taille plus réduite (scissions du PASOK, scission du KKE, maoïstes, pseudo-trotskystes). En Europe, Syriza est liée à RC et au PCF, deux partis ayant participé à des gouvernements d’austérité ou de privatisation en Italie et en France.

Synaspismos ne met pas en cause le capitalisme, mais le « néo-libéralisme ». C’est pourquoi elle a accueilli avec enthousiasme en juin 2011 le mouvement des Indignés qui interdisait l’expression des partis ouvriers mais arborait le drapeau grec (qui est frappé de la croix orthodoxe). Pour restaurer la « dignité nationale », Syriza se contenterait de changer la composition du Parlement par des élections et la mise sur pied d’un autre gouvernement de coalition.

Nous appelons le peuple grec, tous les citoyens, quelle que fût leur préférence politique ou partisane antérieure, à ne pas perdre le moral, à ne pas courber la tête… Des élections doivent être organisées immédiatement, à la proportionnelle intégrale. C’est la solution pour le retour à la normale et la seule perspective de restauration de la cohésion sociale. Tout comme le peuple a provoqué la chute du gouvernement Papandréou, tôt ou tard, il parviendra à faire émerger une nouvelle coalition gouvernementale qui en finira avec les accords sur la dette contraires à la constitution et restaurera la souveraineté populaire, la justice sociale et la dignité nationale. (Syriza, Déclaration publique, 7 novembre 2011)

Synaspismos et Syriza refusent de répudier la dette de la bourgeoisie grecque. Ils y opposent, avec le soutien de la « 4e Internationale » pabliste, la diversion d’une « campagne pour un audit de la dette publique » (Inprecor, mai 2011).

Le KKE conserve une influence décisive dans la classe ouvrière et la jeunesse scolarisée. Le parti néostalinien divise les rangs ouvriers et scissionne les syndicats avec le Front Militant de tous les Travailleurs (PAME). Le PAME appelle systématiquement à des manifestations séparées de celles de l’ADEDY et de la GSEE.

Le KKE prétend absurdement que le choix de l’autarcie ramènera la prospérité.

Nous maintenons, faits et preuves à l’appui, que la Grèce, en dépit des dégâts sérieux et ravageurs qui ont touché certains secteurs et qui sont dus à la domination du capital et à la concurrence entre monopoles, connaît les conditions préalables pour constituer et développer une économie populaire autonome. (KKE, Propositions pour sortir de la crise, 14 mai 2010)

Tout en dénonçant « le système capitaliste », le KKE se refuse avec obstination à postuler au pouvoir alors que la situation est intenable pour la classe ouvrière et les classes petites-bourgeoises.

Les gens ont quelque chose à gagner si un gouvernement faible sort des élections… Renverser le système ne se fera pas en un soir, ni une seule offensive… Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’une rupture radicale dans les années à venir… (Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE, ANT1, 6 janvier 2012)
Pour le parti néostalinien, il n’y a pas d’urgence. Il convient d’attendre quelques années, en canalisant le mécontentement par des grèves limitées et des manifestations lors des « journées d’action ». En attendant, le service d’ordre du KKE protège à l’occasion le Parlement contre les manifestants. La bourgeoisie doit rester au pouvoir, mais c’est sans importance : « Notre position, c’est que les luttes empêcheront le pire » (KKE, 13 février 2012). Pas question de préparer le renversement du gouvernement bourgeois par les masses et de le remplacer par un gouvernement ouvrier. Le KKE se décharge de toute responsabilité : « Si le peuple ne prend pas la décision, il n’y aura pas de changement »
(Papariga, 6 janvier 2012).

Face à l’impuissance dans laquelle la politique des directions syndicales et des partis ouvriers bourgeois maintient les masses, l’anarchisme se développe sans être capable de tracer une issue positive à la crise économique et politique.

Pour le pouvoir des travailleurs : gouvernement KKE-Synaspismos, formation de soviets!

La classe ouvrière doit avoir son propre parti pour pouvoir s’émanciper, un parti comme le Parti Bolchevik qui a permis la prise du pouvoir par les soviets en octobre 1917. L’avant-garde doit se rassembler sur la base des revendications qui débouchent sur la révolution socialiste, la dictature du prolétariat.

  • Dans les entreprises, les universités, les quartiers, les bourgs, comités de travailleurs salariés, d’étudiants, de paysans, fédérés et centralisés ! Autodéfense des grèves, des manifestations contre la police et les fascistes ! Démantèlement de l’armée, de la police anti-émeute, des services secrets !
  • Dirigeants de la GSEE et de l’ADEDY, rompez avec le gouvernement ND-PASOK, cessez toute négociation des plans d’austérité, exigez le retrait de tous les plans d’austérité !
  • Front unique de la GSEE, de l’ADEDY, du PAME, du KKE et du Synaspismos pour l’annulation de la dette de la bourgeoisie, de toutes ses mesures réactionnaires, pour la diminution du temps de travail, l’indexation des salaires et des pensions sur les prix, l’expropriation des armateurs et de tous les groupes capitalistes, pour la séparation complète de l’Église orthodoxe et de l’État, pour un plan d’urgence élaboré par les comités et appliqué sous leur contrôle !
  • KKE et Synaspismos, postulez au pouvoir et formez un gouvernement sans représentant de la bourgeoisie sous contrôle des comités !
  • Fermeture des bases militaires américaines ! Retrait de l’OTAN ! Mêmes droits pour les travailleurs immigrés ! Droit à l’autodétermination des minorités nationales (Turcs, Pomaks, Tziganes, Slaves) ! Retrait de l’armée grecque de Chypre ! Unité avec la classe ouvrière de Turquie ! Fédération socialiste des Balkans ! États-Unis socialistes d’Europe !